2022, Hôtel Pasteur, Rennes.
Installation à l'exposition collective avec Germain Marguillard et Thomas Gaugain.
Installation à dimension variable, vidéo projetée, techniques mixtes (transfert photo sur bois, couture, transfert sur tissus, peinture acrylique sur papier mâché, résine, carton peint…).
(photos : Louise Rauschenbach)
Video : https://louise-rauschenbach.com/FSHN-XNX.html
“#Selfiecare is a photo of a pair of feet floating in a pool of sudsy water being worked on by the repetitive motions of the manicurist at the nail factory.”
Sarah Sharma, Selfie-Care and the Uncommons,
Greig de Peuter and Christine Shaw (ed) Take,
Care Letters and Handshakes/Blackwood Gallery, 2018.
L’espace de l’exposition se présente comme une interface : un bureau à la fois physique et numérique sur lequel se superposent une accumulation de fenêtres. Ces onglets, dessinés au fusain sur les murs, suspendus à la manière de bannières publicitaires, ou déployés dans l’espace sous forme de mobilier standard ; renferment des images et objets qui reflètent notre obsession pour le bien-être. Qu’il s’agisse d’une jardinière connectée, d’une ceinture de tonification faciale, d’appareils de massage, d’un harnais correcteur de posture ou d’exfoliants cosmétiques, ces articles ont en commun de répondre à cet insatiable besoin.
Ce "bien-être" instrumentalisé par le système marchand, que Sarah Sharma nomme le Selfie-care, révèle surtout une injonction à intégrer la norme. Bien-être, selon cette logique, résonne comme une obligation à consommer des produits qui nous promettent de rester jeunes et productif·ves ; c’est-à-dire de rester apte à produire des biens et des services qui continuerons d’alimenter les mécanismes capitalistes.
Des mécanismes qui, inlassablement, standardisent nos modes de vie et formatent nos imaginaires. Seuls les corps entretenus par une activité sportive régulière, une alimentation équilibrée et une hygiène irréprochable semblent autorisés à faire pleinement partie de la société. La manière dont nous aménageons et entretenons nos lieux de vies révèle la même psychose maniaque. Par un cycle continuel de nettoyage et de rangement, c’est comme si nous tentions d’effacer toutes traces de corps organiques, jusqu’à notre propre présence.
[…]
Louise Rauschenbach cherche moins à représenter ces phénomènes qu’à les déconstruire. À travers l’altération d’images imprimées et numériques, sa manipulation de la matière se construit sur des gestes exutoires : transférer, découper, coller, déchirer, mixer et parfois dissoudre jusqu’à disparition totale.
Ici, le montage vidéo comme l’assemblage de papier agglomère des objets et techniques proposés sur le web pour améliorer sa santé et son apparence. Des techniques Do It Yourself aux manipulations génétiques du biohacking qui promettent de perfectionner nos organismes grâce à des implants et prothèses ; Louise digère ces images pour mieux avoir prise sur les angoisses et comportements maniaques qu'elles produisent. Dans une esthétique trash et anxiogène, elle restitue ainsi les conséquences et transformations que provoquent ces injonctions virales sur notre matière grise.
(Texte de Germain Marguillard)